Détention provisoire

détention provisoire
  • Les conditions de fond

 

Selon l’article 143-1 du Code de procédure pénale, la détention provisoire ne peut être ordonnée (ou prolongée) que si la personne mise en examen encourt une peine criminelle ou une peine correctionnelle d’une durée égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement. Par ailleurs, comme indiqué plus avant, la personne mise en examen peut être placée en détention provisoire, quelle que soit la peine encourue, lorsqu’elle se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence.

D’autre part, conformément à l’article 137 du Code de procédure pénale, le placement en détention provisoire ne peut être envisagé que si les obligations du contrôle judiciaire et de l’ARSE se révèlent insuffisantes ; et selon l’article 144 du même code, il appartient au juge des libertés et de la détention d’établir, « au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure », que la mesure de placement en détention provisoire constitue « l’unique moyen » de parvenir aux objectifs visés par la loi.

La détention provisoire doit en outre être motivée par des considérations particulières prévues à l’article 144 du Code de procédure pénale :

– 1°) conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ;
– 2°) empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;
– 3°) empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou

complices ;
– 4°) protéger la personne mise en examen ;
– 5°) garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ;
– 6°) mettre fin à l’infraction ou à prévenir son renouvellement ;
– 7°) mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé.

 

  • Les conditions de forme

 

> La saisine du Juge des libertés et de la détention :

Lorsque le Juge d’instruction considère que la détention d’une personne mise en examen est nécessaire, il saisit le Juge des libertés et de la détention.

Le procureur de la République peut également adresser directement au Juge d’instruction des réquisitions tendant au placement en détention provisoire. Si le juge d’instruction est d’un avis différent de celui du magistrat du parquet, il doit statuer sans délai par une ordonnance motivée portée immédiatement à la connaissance du procureur de la République.

L’article 137-4 du Code de procédure pénale précise que, informé de l’opposition du juge d’instruction, le procureur de la République peut, mais seulement en matière criminelle ou pour les délits punis de dix ans d’emprisonnement, et si les réquisitions sont motivées, en tout ou partie, par les motifs prévus aux 4° à 7° de l’article 144 du Code de procédure pénale, saisir directement le Juge des libertés et de la détention en déférant sans délai devant lui la personne mise en examen.

 

> La procédure devant le Juge des libertés et de la détention :

Une fois saisi, le Juge des libertés et de la détention fait comparaître la personne mise en examen devant lui, assistée de son avocat si celui-ci a déjà été désigné (CPP, art. 145).

Après avoir recueilli ses observations s’il l’estime utile, il l’informe, dans le cas où il envisage d’ordonner sa détention provisoire, que sa décision ne pourra intervenir qu’à l’issue d’un débat contradictoire. Il l’avise par ailleurs de son droit de demander un délai pour préparer sa défense, avec l’assistance d’un avocat.

Ce débat doit avoir lieu sans la présence de son avocat (CPP, art. 145).

Si la personne mise en examen est majeure, les débats relatifs à la détention et la décision elle-même se feront en audience publique.

 

> La décision de Juge des libertés et de la détention :

L’ordonnance par laquelle le Juge des libertés et de la détention décide du placement en détention provisoire (ou de sa prolongation, ou rejette une demande de remise en liberté), doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait portant sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire et de l’assignation à résidence avec surveillance électronique, ainsi que le motif de la détention par référence aux dispositions des articles 143-1 et 144 du Code de procédure pénale.

 

  • Les recours contre la décision de placement en détention provisoire

Dans les dix jours qui suivent la notification de l’ordonnance de placement (ou de prolongation), le mis en examen peut interjeter appel devant la chambre de l’instruction (CPP, art. 186).

La juridiction d’appel doit se prononcer dans les plus brefs délais, et au plus tard dans les dix jours de l’appel s’il s’agit d’une ordonnance de placement en détention et dans les quinze jours dans les autres cas ; à défaut, la personne est remise d’office en liberté.

Cet appel n’est pas suspensif. C’est pourquoi l’article 187-1 du Code de procédure pénale permet au mis en examen, ainsi qu’au procureur de la République, lorsqu’il est interjeté appel d’une ordonnance de placement en détention provisoire, d’introduire un recours auprès du président de la chambre de l’instruction : le « référé-liberté » (CPP, art. 187-1). Cette requête doit être exercée en même temps que l’appel et présentée au plus tard le jour suivant la décision attaquée. Le président de la chambre de l’instruction doit statuer dans les trois jours ouvrables qui suivent cette demande par une ordonnance non motivée et qui n’est pas susceptible de recours.

 

  • La durée de la détention provisoire

La durée de la détention provisoire dépend de la nature de l’infraction. Cependant, en tout état de cause, cette mesure « ne peut excéder une durée raisonnable, au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité » (CPP, art. 144- 1).

 

> En matière criminelle :

En principe, la détention provisoire ne peut excéder un an (CPP, art. 145-2).

Toutefois, à l’issue de cette période, le juge des libertés et de la détention peut prolonger la détention provisoire pour une durée d’au plus six mois. La décision de prolongation obéit aux mêmes conditions de forme que la décision de placement.

La prolongation peut être renouvelée. La durée totale de la détention provisoire est cependant limitée :

  • à deux ans si la peine de prison encourue est inférieure à vingt ans ;

–   à trois ans dans les autres cas, pour autant que l’infraction ait été commise en France ;

  • ces délais sont en revanche portés à trois ans et quatre ans lorsque l’infraction a été commise à l’étranger ;
  • le délai est également de quatre ans lorsque la personne détenue est mise en examen des chefs de terrorisme, proxénétisme, trafic de stupéfiants, extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande organisée.

 

> En matière délictuelle :

Il est de principe selon l’article 145-1 du Code de procédure pénale que la détention provisoire ne peut excéder quatre mois.

A l’expiration de ce délai, le Juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel, décider de prolonger cette mesure pour une durée qui ne peut excéder quatre mois par une ordonnance motivée rendue après un débat contradictoire organisé conformément aux dispositions de l’article 145 du Code de procédure pénale.

Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure, étant précisé que la durée totale de la détention ne peut excéder un an.

Toutefois, cette durée peut être portée à deux ans lorsqu’un des faits constitutifs de l’infraction a été commis hors du territoire national ou lorsque la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée et qu’elle encourt une peine égale à dix ans d’emprisonnement.

 

  • La fin de la détention provisoire

La détention provisoire doit cesser dès que les conditions prévues à l’article 144 du Code de procédure pénale ne sont plus remplies.

Cette remise en liberté, assortie ou non du contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence, peut être ordonnée d’office par le juge d’instruction après avis du procureur de la République, ou sur réquisition de ce dernier (CPP, art. 147).

Il ressort par ailleurs de l’article 147-1 du Code de procédure pénale qu’en toute matière et à tous les stades de la procédure, sauf s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction, la mise en liberté d’une personne placée en détention provisoire peut être ordonnée, d’office ou à la demande de l’intéressé, lorsqu’une expertise médicale établit que cette personne est atteinte d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que son état de santé physique ou mentale est incompatible avec le maintien en détention.

La personne placée en détention provisoire (ou son avocat) peut encore, dans les conditions prévues par l’article 148 du Code de procédure pénale, solliciter à tout moment sa mise en liberté au juge d’instruction, qui adressera la demande au juge des libertés et de la détention en cas de rejet.

De même qu’en ce qui concerne les autres mesures de sûreté avant jugement, la détention provisoire cesse en principe avec l’ordonnance de règlement si elle n’a pas pris fin auparavant (CPP, art. 179, al. 2).

Elle peut cependant être prolongée jusqu’à la comparution devant la juridiction de jugement, notamment en matière criminelle.

Enfin, et exceptionnellement, la détention provisoire peut prendre fin sans intervention judiciaire, soit parce qu’une ordonnance de prolongation n’est pas intervenue en temps voulu, soit parce que la loi a prévu une durée maximale qui n’est pas susceptible de prorogation.